Développement de l’autonomie et du leadership des femmes pour la democratisation

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Irak: La femme irakienne trahie

Après les armes de destruction massive auxquelles même le plus idiot des terriens n’a pas cru, les Américains et les Britanniques avaient envahi l’Irak au nom des Droits de l’Homme.
Donc contre la dictature sanguinaire de Saddam Hussein.

Sur ce deuxième point, il est vrai qu’il était difficile de ne pas être d’accord, au moins sur le principe, avec ces deux grandes démocraties qui allaient enfin permettre aux Irakiens de pouvoir se gaver d’une liberté dont ils avaient été durant si longtemps privés.



Mais, voilà quelques mois seulement après les manifestations «libres» dans les rues de ce pays où la police de la pensée de Saddam Hussein avait pendant si longtemps sévi, les Droits de l’Homme, c’est-à-dire la deuxième raison pour laquelle le Oval Office et le 10 Downing Street justifiaient leur invasion, sont un échec. Sitôt disparue la police de la pensée Baathiste, voilà venue la police de la pensée islamiste.



Car, au-delà de l’occupation, de la misère, du manque d’eau, des morts, des manifestations violemment réprimées, la femme irakienne vient d’être salement trahie par les fausses promesses des «libérateurs» du peuple irakien.
La femme , jadis, la plus libre du monde arabe risque aujourd’hui de passer d’état de majeure à mineure à cause de l’adoption par le «Conseil de gouvernement» irakien, sous tutelle américaine, de la Shari’â islamique.



Dans un communiqué publié le 14 janvier 2004, l’Organisation pour la liberté des femmes en Irak (OLFI), les femmes irakiennes s’insurgent contre l’abolition de la loi irakienne sur la famille et son remplacement par une shari’a islamique.
«La société irakienne ne veut pas de lois qui ont été invalidées un demi-siècle plus tôt. C’est une société laïque. Les femmes et les hommes d’Irak n’ont jamais imaginé mettre à bas le régime Baathiste pour le voir remplacer par la dictature islamique».



Le communiqué de l’OLFI rappelle aussi que le Conseil de gouvernement irakien «fantoche des USA va bien au-delà des compromis de Saddam avec les islamistes. Leur décision à portes fermées remplace les lois sur le statut civil personnel, qui dataient de 1958, par la loi religieuse islamique, la Shari’a». Enfin, ces femmes appellent tous les défenseurs de l’égalité entre les genres et de la liberté des femmes d’associer leurs voix à celles des femmes en Irak.



Huit mois après la chute du régime de Saddam Hussein et moins de deux mois après la capture du dictateur, l’administration Bush ferme les yeux sur l’atteinte la plus vile aux droits de l’Homme. La femme irakienne qui aurait pu être la meilleure alliée d’une démocratie irakienne, est la première victime du projet de la «démocratie à domino» défendue si ardemment par Paul Wolfowitz, l’éminence grise de l’administration américaine.



Le code irakien de 1959, rendait la polygamie pratiquement impossible, interdisait la répudiation, octroyait des droits à la mère et les jeunes filles ne se mariaient pas avant 16 ans. Après la première guerre du Golfe, Saddam Hussein «le laïc» , qui s’était pactisé avec les islamistes , avait tenté revenir sur certains acquis de ce code mis en place par le gouvernement national irakien après la révolution de 1958.



L’attitude complice de l’administration américaine avec les promoteurs de la Shari’a dans l’Irak post Saddam est littéralement catastrophique pour la femme irakienne, mais aussi pour toutes les femmes de la région.



A commencer par les Iraniennes, qui se battent pour plus de droits dans un pays où les ultraconservateurs viennent d’ôter toute chance aux réformateurs de faire avancer leur pays.



L’avancée démocratique d’un pays se mesure à celle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Aux Etats-Unis, c’est le cas.



Pourquoi cette même Amérique et tous ceux qui ont soutenu qu’une guerre se justifiait en Irak parce que la démocratie n’était pas du «domaine réservé de l’Occident» donnent-ils l’impression d’être tétanisés, paralysés par cette majorité chiite qui veut instaurer «sa démocratie» avec pour première prérogative l’abrogation de l’un des rares acquis positifs du passé? Le silence est plus que troublant.



Pour notre part, il est bien entendu que nous sommes entièrement solidaires avec le combat de ces femmes irakiennes, principales victimes de Saddam Hussein, qui a entraîné son pays dans des guerres immondes, et potentielles premières victimes de ce «Nouvel Irak» qui risque de les mettre sur un pied d’égalité avec la piètre situation des femmes de la région.



Amina TALHIMET



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